Discours de Denis Kessler, délégué de l'Académie des sciences morales et politiques
Le risque est une variable qui joue un rôle fondamental dans toutes les décisions humaines, aussi bien au niveau individuel qu’au niveau collectif. C’est une variable qui a comme principale caractéristique d’être « bipolaire ». L’idéogramme chinois pour le mot risque combine à juste titre deux idéogrammes, le danger et la chance.
Le pôle de risque chargé de négativité renvoie aux catastrophes et pertes, à la ruine, au désespoir, à la souffrance, à la mort. Le risque apparaît plus subi qu’agi. Redouté, le risque revêt la forme de l’adversité. Il est proche du mal, donc du malheur. Il est dévalorisé, on cherche à s’en prémunir et il est condamné quand il se manifeste. Le risque est un défaut, une imperfection, une erreur, une carence, une nuisance. Il suscite la peur, l’angoisse, l’incompréhension . Le risque paraît largement « exogène » aux individus. Ils n’en portent pas la responsabilité, ils « n’y sont pour rien », ou pour « pas grand-chose ». Accidents, dommages, catastrophes, sinistres… le risque crée des victimes … Pendant longtemps, on voyait dans ces risques la volonté du divin, ou plus souvent encore celle du Malin. Quand le risque se manifeste, on invoque le destin, la malédiction, la fatalité !
Dans cette acception négative du terme, moins il y a de risques dans le monde, mieux on y vit. Élever le bien-être de la population passe donc par la réduction des risques de toute nature auxquels elle est exposée, contre son gré. Dès lors tout doit être mis en œuvre pour réduire les risques, pour protéger l’intégrité physique et morale de chaque membre de la collectivité. On s’efforce de protéger les personnes et les biens contre les catastrophes, qu’elles soient naturelles ou industrielles. Les pouvoirs publics multiplient normes de sécurité, actions de prévention, interventions, mises en garde pour minimiser la fréquence et la gravité des risques.
Le pôle de risques chargé de positivité renvoie à conquête, essai, tentative, réussite, succès, héroïsme. La prise de risque volontaire et assumée, par opposition au risque subi, est valorisée, voire glorifiée. Celle ou celui qui prend des risques est courageux, donc vertueux. Il cherche à gagner, tout en acceptant de perdre. Il cherche la victoire au risque de la défaite. « Qui ne risque rien, n’a rien » dit le dicton ! Le héros met sa vie ou ses biens en jeu, pour aller plus loin, au risque de tout perdre. « À vaincre sans péril on triomphe sans gloire ! ». « Ad augusta per angusta ». Le héros est celui qui a pris des risques, il revêt nécessairement une dimension homérique. Hercule, demi-dieu, devient héros parce qu’il ose affronter des risques insensés. Tous admirent ceux qui prennent des risques et rentrent dans la cage aux lions, montent sur le ring, sautent à l’élastique.
Cette bipolarité du risque renvoie d’ailleurs à l’acception psychologique du terme : le risque peut engendrer un état de dépression et de souffrance ou un état d’excitation et de plaisir.
Un monde probabiliste
Définissons plus avant le concept moderne de risque. Il est apparu dès lors que l’on a abandonné la conception d’un monde déterministe – où le destin est pré-écrit, où la Providence est omniprésente, où la fatalité gouverne pour une conception du monde probabiliste. Ce fut une révolution qui remonte au 18e siècle, dans laquelle le tremblement de terre de Lisbonne le 1er novembre 1755 joua un grand rôle comme le vit Voltaire avec son génie . C’est à cette même période de l’histoire que les mathématiques forgèrent les concepts clefs de la probabilité et de la statistique. Après les travaux de Cardano (1501-1576), Fermat (1605-1665), Pascal (1623-1662), ce furent Bernoulli (1654-1705), Lagrange (1736-1813), Laplace (1749-1827), Gauss (1777-1855), plus tard Borel (1871-1956), Itō (1915-2008), Arrow (1921), Nash (1928-2015)…
Quel que soit le phénomène considéré, il existe toujours plusieurs « états du monde » possibles. Chacun de ces « états » est spécifique, original, différent des autres. L’occurrence d’un de ces « états du monde » suit une loi de probabilité. Certains de ces états du monde sont connotés négativement, d’autres états du monde sont au contraire connotés positivement. Ces états du monde surviennent en suivant des lois de distribution spécifiques que la science dans chaque domaine doit mettre en évidence. Ces lois de probabilité sont très diverses et doivent être explicitées. Ces lois peuvent être complètes ou incomplètes, stables ou évolutives, elles peuvent être théoriques ou empiriques, claires ou ambiguës. Toute l’histoire de la connaissance a conduit à identifier, comprendre et vérifier ces lois de probabilité. La sismologie se substitue à la volonté divine, la génétique à la malédiction, la biologie à la sorcellerie.
À chaque état du monde est associée une utilité, qui diffère d’une personne à l’autre. Un gain ou une perte de 1000 euros n’a pas la même valeur d’un parieur à un autre. Pour comprendre les règles de décision face aux risques, chacun cherche à maximiser son utilité en pondérant les utilités associées aux états du monde par leur probabilité de survenance. Dès lors l’espérance mathématique remplace la volonté divine ! Et la prévoyance et la science l’emportent sur la Providence et l’obscurantisme.
Risques et incertitude
Le risque est avant tout un problème de connaissance. L’économiste Frank Knight définit ainsi deux sphères distinctes : celle du risque – univers des probabilités et des statistiques – et celle de l’incertitude – ou du hasard pur, de l’inconnu qui semble n’être régi par aucune loi . Quand l’incertitude absolue règne, l’avenir n’est pas connu et ne peut pas l’être. On ne peut pas penser l’impensable, imaginer l’inconnu inconnu. Mais grâce aux progrès continus de la connaissance, dans tous les domaines, la sphère des risques n’a eu de cesse de s’accroitre et celle de l’incertitude de recéder.
Dans l’univers probabilisable, le risque prend la forme d’une variable aléatoire qui appartient à une distribution de probabilités. C’est le tirage dans cette loi de probabilité qui reste lui-même aléatoire. John Graunt a certes découvert la loi de mortalité en 1662 , mais l’on ne sait pour autant quand chacun d’entre nous sera appelé à quitter cette basse terre. Ce n’est pas parce que l’on comprend désormais la sismicité du Portugal à cheval sur une zone de subduction entre les plaques tectoniques africaine et eurasiatique, que l’on peut savoir avec certitude que la terre tremblera le jour de la Toussaint à Lisbonne. Et si elle avait tremblé le lendemain, le sort du monde eût pu en être changé…
« Le risque n’est pas l’événement, l’aléa, l’accident, la chance ou la malchance, mais une certaine manière de les faire exister à travers quoi ils trouvent désormais objectivité et valeur. Pas de risque naturel. Pas de risque sans une certaine forme de calcul, d’analyse, d’expertise. Le risque est une forme de savoir» . Il existe bel et bien une science des risques.
L’univers des risques est en expansion
Les risques sont inhérents à notre condition humaine. Ils sont omniprésents, protéiformes, évolutifs, mutants, accidentels ou sériels, indépendants ou corrélés, visibles ou latents… Si l’on considère leur pôle négatif, il faut partir des risques liés à la nature. Depuis l’aube de l’humanité, les hommes ont craint les catastrophes naturelles. La Bible les évoque toutes. Éruptions volcaniques, inondations jusqu’au déluge, tremblements de terre, sécheresses, tempêtes… . On les appelle d’ailleurs Acts of God dans l’assurance. Ces catastrophes sont toujours présentes, et peuvent être plus dévastatrices qu’auparavant compte tenu de la croissance et de la concentration des populations dans les régions les plus risquées de la planète.
S’y rajoutent les « risques du fait de l’homme ». Chaque développement technologique, chaque activité économique nouvelle créent des risques nouveaux même s’ils contribuent à résoudre des risques existants : accidents aériens, explosions nucléaires, cyber-risques. S’y rajoutent enfin les « risques du fait du diable » : crimes, guerre, terrorisme, tout ce qui relève des destructions volontaires, des actes de barbarie.
Les grandes catastrophes, qu’elles soient faits de Dieu, de l’homme ou du diable, rythment l’histoire comme un tambour erratique et marquent tant la conscience que l’inconscience humaine : Pompéi en 79, la peste noire (1347-1352), le grand incendie de Londres (1666), le tremblement de terre de San Francisco (1906) ou de Tokyo (1923), le Titanic (1912), la grippe espagnole (1918), le World Trade Center (2001).
L’univers des risques est bel et bien en expansion. Les risques sont de plus en plus complexes, imbriqués, interconnectés, globalisés. La question dès lors est de les maîtriser car la demande de sécurité est – paradoxalement – croissante dans le monde moderne.
L’aversion aux risques est la chose au monde la mieux partagée
Dans un univers probabilisable, il faut prendre sans cesse des décisions… qui seront risquées : choix d’un emploi, d’un conjoint, d’un placement, d’une thérapeutique, d’un sport… Chacun d’entre nous a une attitude spécifique face aux divers risques qu’il doit affronter ou auxquels il décide de volontairement s’exposer. Certains préféreront un emploi stable mais mal rémunéré, d’autres un emploi risqué et mieux rétribué. Souvenons-nous du salaire de la peur ! L’un choisira un placement obligataire avec un rendement faible, son voisin un placement en actions risqué mais avec un rendement espéré plus élevé. On fera des sports dangereux ou on les regardera à la télévision en pantoufle… On fera appel d’un jugement au risque d’une aggravation de la sentence ou l’on acceptera le verdict de première instance.
De manière schématique, on estimera qu’une personne a de l’aversion aux risques si, à espérance mathématique identique – empocher 500 euros ou risquer d’en gagner 1000 avec une probabilité de 50%, elle choisira d’empocher les 500 euros. Le choix inverse signifiera qu’elle a un goût du risque.
L’aversion aux risques est ce que les économistes appellent une « préférence », une donnée, qu’il ne convient pas d’expliquer : « De gustibus non est disputandum » . Et le monde paraît partagé entre les « riscophiles » - minoritaires – et les « riscophobes » - beaucoup plus nombreux. Le désir de sécurité paraît très prégnant : l’aversion aux risques est la chose au monde la mieux partagée. La science économique notamment expérimentale a essayé de mieux mesurer cette variable fondamentale qu’est l’aversion aux risques : elle parait ainsi plus forte quand un agent fait face à un risque de perte que quand il fait face à un risque de gain. De même les économistes distinguent désormais aversion absolue et aversion relative aux risques, risque de perte et risque de ruine.
Reconnaissons que tous n’ont pas une vision claire des risques qu’ils affrontent et ne connaissent pas nécessairement les distributions de probabilités sous-jacentes. Ils ont une information imparfaite et les probabilités subjectives diffèrent des probabilités objectives. Ceci est d’autant plus le cas que l’on considère des risques à fréquence faible.
Le degré d’aversion aux risques dicte très largement la plupart de nos comportements économiques, financiers et sociaux, individuels et collectifs, donc, fondamentalement, nos choix politiques.
Il y a un domaine dans lequel un principe doit être respecté : le dommage issu du risque que l’on fait peser à autrui doit être réparé, principe clé au cœur de la responsabilité civile. Encore faut-il que l’auteur du dommage ait les moyens de le réparer. C’est précisément un des rôles des institutions d’assurance. La responsabilité civile étant toujours l’objet d’une couverture obligatoire, condition d’un ordre social.
La multiplicité des institutions de gestion des risques
Le fait que nous n’ayons pas tous la même aversion au risque rend possible l’émergence d’un « marché des risques » où certains paieront une certaine somme pour s’en protéger et d’autres se feront rémunérer pour les porter. Ainsi, un marché des changes permet de se couvrir contre les fluctuations des monnaies, un marché à terme contre les fluctuations des prix, un marché boursier contre les risques de ruine liés à la faillite d’une entreprise.
Des organisations dédiées à la gestion des risques par leur mutualisation se multiplient : corporations, sociétés de secours mutuel ou caritatives, mutuelles, banques, assurances, sécurité sociale. Regrouper les risques dans des organisations dédiées (banques, assurances) crée un risque nouveau, celui de leur insolvabilité : banqueroute ou faillite. D’où la multiplication des règles prudentielles (telles Bâle III, Solvabilité II) par les pouvoirs publics soucieux de stabilité. Ceux-ci d’ailleurs invoquent depuis la crise de 2007 le risque systémique, écroulement du système financier, pour renforcer les dispositifs prudentiels.
Remarquons également que des institutions comme la famille, les associations, les entreprises ou les États ont comme prima ratio la gestion des risques des membres qu’elles regroupent. Allons plus loin, les contrats dans tous les domaines, notamment économiques, sont souvent des contrats de partage des risques entre les agents qui les concluent. Ces contrats sont complexes car l’information des parties est souvent imparfaite, asymétrique , que les agents poursuivent des objectifs stratégiques et que la conclusion des contrats modifie l’univers des risques, phénomène connu sous le nom d’aléa moral . Jacques Rueff avait ainsi avancé l’argument que la couverture par l’assurance chômage avait comme effet paradoxal d’augmenter le chômage .
L’État, grand gestionnaire des risques
Compte tenu de l’aversion moyenne élevée aux risques de la population, le législateur est très actif pour protéger les citoyens dans tous les domaines. Il n’a eu de cesse de mettre en place des mutualisations des risques au niveau national dans le domaine de la vieillesse, de la maladie, des accidents du travail. Il a constamment multiplié les législations pour prévenir les risques, augmenter la sécurité, indemniser les victimes. La gestion des risques devient la mission moderne de l’État, présentée comme le principal vecteur du progrès social.
Nous sommes désormais rentrés dans la « société du risque », pour reprendre l’expression d’Ulrich Beck. Au-delà des risques traditionnels, la société s’organise pour lutter contre le risque d’exclusion, de discrimination sexuelle, de ségrégation, de déclassement, de pauvreté. Au niveau mondial, la mobilisation des États porte sur les risques liés au changement climatique .
La noblesse de la prévention, le danger de la précaution
Dans la société du risque, tout doit être mis en œuvre pour faire baisser la fréquence des risques et, lorsqu’ils surviennent, leur gravité. C’est la noblesse de la prévention . Dans le domaine des risques technologiques – du fait de l’homme – les normes de sécurité se sont multipliées, à la suite notamment des grands accidents industriels.
Si la prévention mérite d’être encouragée, il faut être plus circonspect avec le principe de précaution. S’il signifie qu’il faut s’abstenir de développer des technologies dès lors qu’il existe une incertitude sur leurs conséquences, ce principe de précaution est lui-même… dangereux. En l’absence de limites fixées à ce nouveau principe, son application irraisonnée conduira sans doute à un ralentissement marqué du progrès scientifique et des innovations qui bénéficient pourtant in fine à l’ensemble de la collectivité. Il aurait fallu éviter de lui donner une valeur constitutionnelle .
La société du risque soulève trois questions fondamentales. La première relève de la responsabilité : en généralisant une responsabilité sans faute associée à des indemnisations Urbi et orbi, elle multiplie les statuts de victime au risque de déresponsabiliser les citoyens. En second lieu, la société du risque pose un problème de liberté : la prise en charge de tous les agents économiques, la multiplication des interventions et des normes pour contrôler leur comportement dans tous les domaines de l’existence assorties de sanctions peut constituer des entraves à la liberté. Enfin, si la société du risque a raison d’encourager la prévention, elle ne devrait pas ériger le principe de précaution au niveau constitutionnel. Il en va de la poursuite du progrès scientifique et technologique.
Finalement, le grand danger de la société du risque insistant sur sa réduction ou l’éradication des risques est que ceci pourrait conduire à dévaloriser la prise de risque dans son acception positive. A force d’être obnubilé par son pôle négatif, la société du risque pourrait conduire à étouffer son pôle positif. Ceci serait dramatique car la prise de risque, l’acceptation du risque, est un élément fondamental des sociétés en progrès.
Le risque est au cœur de l’entrepreneuriat. Pour que des entreprises naissent et se développent, que des nouvelles technologies voient le jour… il faut que des gens se mettent en risque, risquent leur nom, leur réputation, acceptent de connaître l’échec, de se retrouver faillis, ruinés… S’ils prennent le risque d’entreprendre, c’est parce qu’ils en attendent un gain, un bénéfice, la fortune, la reconnaissance. Ils cherchent à bâtir empires et dynasties. La concurrence, moteur de l’histoire économique, est elle-même à la fois créatrice et destructrice, comme l’a démontré Schumpeter. Accepter la concurrence, c’est accepter d’être contesté au sens économique du terme, c’est-à-dire d’être évincé du marché, dépassé par des concurrents plus performants, supplanté par des technologies qu’on ne parvient pas à maîtriser.
Valoriser la prise de risque, c’est d’abord ne pas reprocher l’échec, et surtout accepter que la réussite soit dûment reconnue et récompensée. L’innovateur, le créateur, l’entrepreneur, sont des figures qui devraient être respectées. Leur rôle devrait être magnifié et leur fortune, s’ils réussissent, ne devrait pas être confisquée par des prélèvements spoliateurs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que le mot « fortune » ait un double sens…
Ces réflexions concernent également tous les acteurs de la création (peinture, musique, architecture, cinéma) qui prennent des risques, bouleversent l’ordre établi, transgressent les codes, s’attirent les critiques et font avancer les arts, élargissent la culture, approfondissent notre vision du monde, cultivent notre sentiment du Beau. Car par essence, la création est un processus risqué, à l’instar de l’entrepreneuriat.
Pour une nouvelle culture du risque
Laisser accroire que l’on parviendra à éradiquer les risques sur terre – c’est notamment la thèse du risque zéro – est trompeur. Même si l’on comprend de mieux en mieux l’ensemble des phénomènes naturels, économiques et sociaux grâce aux progrès de la connaissance qui nous permettent de mieux identifier, mesurer et prévoir les risques, leur éradication totale est d’autant plus chimérique que les risques mutent au cours du temps, et changent tout à la fois d’ampleur et de nature.
Tout au contraire, développons une culture du risque, empêchons que les craintes que fait naître le développement des sciences et des techniques conduisent à un nouvel obscurantisme. La société doit accepter l’aléa, ne pas redouter l’incertitude, ne pas se réfugier dans des croyances irrationnelles… Affirmons haut et fort que « Sans prise de risques, pas de progrès » ! Oui à la société du risque, à condition qu’elle respecte les principes de responsabilité, de liberté et de créativité. Et la société doit davantage reconnaître que la prise de risque doit être valorisée, reconnue, rétribuée !
C’est au travers de la recherche d’un nouvel équilibre entre le pôle négatif des risques, son versant noir, et son pôle positif, que l’on pourra mieux combiner le principe d’indemnité et le principe de liberté, conjuguer amélioration du bien-être et progrès économique.